© Julie Steyer 2020
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format à l'italienne 9
forma urbis romae





De Rome, les artistes du Prix Wicar se sont emparés de la matière première : ruines, briques, colonnes et perspectives. La ville est telle qu’elle stimule l’imaginaire, elle appelle à créer son propre récit, un récit qui prendrait place dans ses rues, dans l’espace découpé par ses ruines antiques. Elle est, en quelque sorte, un théâtre, une « utopie localisée », pour reprendre les termes de Michel Foucault définissant le concept d’hétérotopie (1). La constitution de Rome, tout en strates, accumulations et vestiges, de ses rues à l’accrochage de ses musées, a amené les artistes à manier le fragment, dont l’intérêt réside dans le paradoxe d’être « à la fois morceau brisé et petit tout autosuffisant » (2). Cette nouvelle édition de Format à l’italienne manifeste l’intérêt des artistes pour ces thèmes. Le duo Galerie Rezeda a procédé à une fragmentation du territoire en collectant des échantillons urbains prélevés sur le sol et a emprunté leur outil aux arpenteurs romains, la groma. Chez Philippe Paoli, le fragment a pris la valeur d’indice, de pièce à conviction dans le récit que l’artiste a déroulé sur les cartes de la Rome antique, papale et contemporaine. Sarah Feuillas a extrait par le dessin et la photographie des motifs architecturaux au gré de ses déambulations. En glanant des fragments dans la ville et en les agençant d’une façon inédite, les artistes de Format à l’italienne 9 opèrent une recomposition du réel. À Rome, cette recomposition est le destin de certaines oeuvres architecturales, qui au fil des siècles ont été détruites ou tronquées dans le but d’en construire de nouvelles.
Ce fut notamment le cas du Colisée, mais aussi de la Forma Urbis Romae (littéralement, « la forme de la ville de Rome » en latin), un immense plan de la ville gravé sur du marbre au IIIe siècle, sur lequel les artistes de Galerie Rezeda ont également travaillé et qui ne peut que retenir l’attention. Aujourd’hui, il reste plus de mille fragments de la carte originelle, qui n’en restituent pourtant qu’un dixième, faisant de la Forma Urbis un puzzle voué à n’être jamais reconstitué. En outre, chaque fragment découvert est sujet à diverses interprétations parmi les archéologues. Une multiplicité de récits affleurent alors de cette carte, dont les oeuvres des lauréats Wicar se font l’écho.
Face à ces artistes séjournant à Rome pour la première fois et qui ont travaillé sur la ville elle-même, l’artiste italien Davide Monaldi, qui y est établi, produit une oeuvre plus intime, où est néanmoins perceptible un certain remaniement du réel : lorsqu’il représente des objets a priori insignifiants ou impropres à la sculpture, ceux-ci prennent alors un tout autre statut en s’élevant au rang d’art.
Les oeuvres de l’exposition Forma Urbis Romae sont ici autant d’édifices, de façades et de mobiliers urbains, traçant un plan aux divers chemins possibles.


Julie Steyer


1- FOUCAULT Michel, Les corps utopiques, les hétérotopies, presented by Daniel Defert, Fécamp, Nouvelles Éditions Lines, 2009, p. 23-24.
2 - EGAÑA Miguel, SCHEFER Olivier, Esthétique des ruines : poïétique de la destruction, Rennes: Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 9



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