© Julie Steyer 2020
Built with Indexhibit


intrant,
de simon augade



Le musée des Beaux-Arts, La Cohue invite régulièrement des artistes contemporains à investir l’espace central du bâtiment. Simon Augade y a construit une pièce monumentale qui s’impose à nous par sa taille mais dont la présence semble presque naturelle. L’oeuvre représente un arbre qui s’est coulé à travers l’architecture du musée sans la perturber, telle une douce intrusion. Il n’a rien d’un arbre mort, tombé ; la torsion de son tronc, les ondulations de son écorce témoignent de sa vitalité et de l’effort déployé pour se frayer un chemin sous les voûtes de l’ancien marché médiéval. On n’en voit ni cimes ni racines, aussi sa présence réside-t-elle autant dans le hors-champ, dans la continuité que l‘on imagine en n’en apercevant qu’un fragment. Intrant sollicite notre corps et nos sens.
Bien que relevant des bien-nommés arts visuels, cette sculpture pourrait être appréhendé les yeux fermés, tant l’odeur du bois et la texture de l’écorce sont évocatrices (le spectateur étant autorisé à toucher l’œuvre). Par son immensité et sa forme sinueuse, la pièce ne se laisse pas embrasser d’un coup d’œil, et son appréciation complète implique un déplacement du spectateur autour d’elle.
L’arbre résulte d’une conception quasi architecturale et n’est pas sans rappeler certains édifices contemporains, ou seraient-ce ces édifices qui imitent la forme organique des arbres (on pense par exemple à la Maison Dansante de Frank Gehry). D’ailleurs, en regardant à l’intérieur de la structure à une des extrémités, on peut y voir l’intérieur d’un bateau ou d’un passage secret.
Le caractère in situ de l’œuvre laisse d’emblée présager de sa destruction programmée et elle revêt alors une certaine mélancolie, alors que nous l’avons vue grandir pendant les mois de son édification. Simon Augade livre ici une œuvre que l’on pourrait qualifier de sublime au sens philosophique du terme, qui désigne le sentiment ressenti par l’homme face à la grandeur de la nature. La nature ici est, certes, construite par un homme, mais ce à partir de petits morceaux de nature (les dosses) ; elle est en somme, reconstruite.


Julie Steyer


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